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Prélude, en scène et après

Prélude.

Je ne sais pas combien de fois j’ai relu les réponses que j’avais données au questionnaire. Au moins autant que le message indiquant les créneaux disponibles et celui détaillant les règles à l’intérieur de la Justice Room.

Je ne me suis jamais senti à l’aise avec l’expression « I’m very excited » mais cette fois, j’ai peut-être commencé à entrevoir dans quelles occasions elle se justifie. Quand le rdv a été fixé et que j’ai ouvert le mail de confirmation, je me suis senti vraiment excited. Incroyablement heureux d’avoir obtenu ce rdv, j’ai presque sauté de joie, littéralement. Et je me souviens avoir souri à mon téléphone. C’est la bonne traduction ?

Restait l’attente. 

Et dans l’impatience d’y être, j’ai donc relu mes réponses, en regrettant de ne pas avoir été peut-être plus expansif ou plus précis. J’ai relu de bas en haut, de haut en bas, en faisant des focus, en revenant au début. 

Et puis vos mails, détaillés dans tous les sens aussi ; en les fixant, presque hypnotisé, comme si j’espérais y débusquer un mot caché que je n’aurais pas vu tout de suite, comme si je voulais les apprendre, comme des poèmes… 

Bref, j’avais hâte. 

En scène.

J’y étais. Je pouvais savourer chaque instant de ce délicieux moment entre nous. Cette parenthèse privée, ultra-intime, où on peut être un autre soi avec une autre âme. Sans honte. J’y étais. 

Je ne sais pas ce que j’aime le plus avec les martinets ou les cravaches : leur son, ce qu’ils représentent, ou l’idée que ce sont des instruments, qui demandent technique, apprentissage et maitrise. Ils ne sont rien sans celui ou celle qui en est à l’autre extrémité. Et souvent un(e) artiste se dévoile à travers son instrument. 

Je pouvais apprécier le bourdonnement et l’odeur d’ozone du wand et ses piqûres sur le bout des seins. Entendre le cliquetis des chaînes quand le corps réagit. Me laisser aller à la douceur réconfortante des caresses. Explorer la surface du bâillon avec la langue. Endurer la chaleur des impacts des martinets en imaginant leur chorégraphie. Essayer de reconnaître la sensation et le bruit sec d’une canne ou d’une cravache sur les fesses. Accueillir le pouce et l’index qui réveillent mes tétons avant les pinces. Être soutenu par la tension des lanières qui maintiennent les bras, le corps, les cuisses bien plaqués contre la croix. M’ouvrir au doigt ou à l’objet qui s’immiscent dans l’intime. 

Je me sentais vivant, compris, en sécurité. Curieux et gourmand aussi.

Et après.

Là aussi, ça se passe principalement dans le cerveau. 

De l’apaisement certainement. De l’énergie regagnée aussi. Et puis déjà ces cicatrices délicieuses. L’impression fugace qu’un patch électrique est sur le gland, que l’anus est titillé. Ce sont des neurones qui se répondent. C’est chimique et électrique. 

Oui j’ai été lu, écouté et compris par quelqu’un qui sait quoi faire avec ce qu’on lui confie et s’adapte. 

Ça se passe aussi dans le corps. 

Et les 1000 petites courbatures sur les fesses ? Elles sont bien physiques celles-là. Envie de les éprouver encore. La curiosité de savoir si cette petite marque bleue sur les fesses allait s’évanouir dans la soirée, dans deux jours, trois ? Plus ? Oui plus, elle est encore là. 

Tout ce qui est physique s’évanouit, restent les traces dans le cerveau. Les bruits, les sensations, les envies de ressentir à nouveau 

Cette envie d’être à nouveau complètement immobilisé, serré, pour être à nouveau à votre merci. 

Ce regard, profond, un mot chuchoté tout près, à peine entendu et puis quelque chose masque la vue et …