De l’absence à la présence
La séance débute par le contact de vos mains sur ma peau. A la fois fermes et délicates, elles m’invitent immédiatement au lâcher-prise et me prouvent je que suis dans votre espace, ici et maintenant, où seule votre présence compte.
Vous m’installez ensuite dans un hamac, immobilisé au niveau du haut du corps et des chevilles, où le temps va alors devenir comme suspendu. Privé de la vue, je ne peux qu’imaginer vos gestes, votre regard. Vous dirigez un mouvement qui me donne l’impression d’être dans une balançoire.
C’est un mouvement poétique, apaisant, rempli d’affection. Et je suis plongé dans une torpeur presque méditative, face à moi-même, à un flot de pensées qui s’évanouissent face à la grâce d’un moment présent. Je me rends dès lors à peine compte de votre absence qui n’en est pas vraiment une… je ne peux vous voir, ressentir votre présence, mais je sais que vous observez silencieusement la scène, la moindre nuance de mes réactions et ma respiration.
Tout semble désormais plus lent, plus profond, et lorsque vous vous approchez à nouveau, chaque contact révèle une intensité poignante, inattendue. Lorsque vos genoux effleurent discrètement mes cuisses, je suis saisi d’un frisson. Et lorsque vos mains saisissent énergiquement ma poitrine, je ne peux que m’abandonner à votre détermination.
A la fin de cette séquence, je n’ai plus conscience de la pesanteur du temps qui passe. Une nouvelle forme d’immobilisation succède à la précédente : cette fois-ci, mon corps tout entier est restreint, comme en suspension. J’observe mon souffle, une sérénité qui s’installe avec cette vulnérabilité qui se révèle. Et je sais là-encore que vous êtes auprès de moi, même si je suis comme désorienté par un environnement intérieur et extérieur qui se transforme. Il reste simplement la pulsation d’une musique, la perception d’un espace presque en dehors du monde.
Puis votre corps s’empare à nouveau du mien, le libère un instant pour composer alors une chorégraphie tactile et charnelle, un ballet de sensations. Vous maniez les cordes avec aisance et dextérité, et je me retrouve peu après sur le ventre, votre pied me maintenant au sol. Cette posture me ramène progressivement vers une réalité plus vive, le contact de la terre ayant une dimension réconfortante dans son extrême humilité.
Quelques instants plus tard, je suis enfin debout face à vous, plongé dans votre regard, et vous m’invitez à offrir mon dos à vos jeux d’impact. Je sais que je peux vous dire si l’intensité me semble trop forte, mais l’essentiel pour moi à ce moment est le partage. Mon corps longtemps restreint semble se réchauffer peu à peu, se libérer d’une tension, et tout simplement vivre.
La séance s’achève dans une nouvelle posture allongée, qui représente une transition avant de sortir de votre espace. La contradiction entre le cerveau et le corps m’a marqué à ce moment-là. Je n’ai pas l’impression que plusieurs heures ont passé, et pourtant je ressens profondément en moi le poids et les émotions d’un vécu. Il me faut plusieurs minutes pour accueillir la complexité de cet état d’âme, et je sais que vous êtes toujours là, pour accueillir, offrir la possibilité d’une ouverture à soi et à l’autre.
